Historique du Centre

L’idée des refuges pour femmes battues s’est développée à travers toute l’Europe au départ d’un grand mouvement qui, dans les années dix neuf cent soixante et septante, traverse l’Europe en la bouleversant : le féminisme.

En 1971, Erin Pizzey ouvre le premier refuge pour femmes battues à Londres. En moins d’une décennie, les maisons accueillant les femmes maltraitées se sont créées dans tous les pays européens.

En Belgique, le premier collectif pour femmes battues ouvrit ses portes en 1977 à Bruxelles. Les refuges de Liège et de La Louvière s’ouvrirent un an plus tard.

Si aujourd’hui, le Centre s’est détaché de ses racines féministes, sans doute la femme battue doit-elle à ce mouvement l’impulsion qui a débouché sur une importante évolution des mentalités à l’égard de la violence privée.

L’évènement qui poussa un groupe de femmes à agir fut sans conteste l’établissement à Bruxelles du Tribunal des Crimes commis contre les femmes du 4 au 8 mars 1976. Des femmes de plusieurs pays vinrent témoigner des violences dont elles étaient victimes. Dès le mois de septembre, un groupe de femmes se constitua et se réunit de façon régulière pour mettre sur pied un refuge pour femmes battues mais aussi une campagne de conscientisation de l’opinion publique. Dès les débuts du Collectif, la lutte contre la violence conjugale s’est axée sur ces deux composantes : l’ouverture d’un refuge pour éloigner les victimes de leur agresseur et l’intention de sensibiliser à la problématique de la violence conjugale tous les niveaux de la société (les instances politiques, judiciaires, les services sociaux, les services de police, les médias ainsi que le public).

L’ouverture des refuges

Le 30 juin 1977, le Collectif pour Femmes Battues s’est constitué en ASBL et, en novembre de la même année, il accueillait les premières femmes dans son refuge. L’organisation de l’association s’élabora sur des bases sensiblement éloignées de l’aide sociale conventionnelle.

A partir de cette optique s’est développée une approche originale de la lutte contre la violence conjugale. L’association se fondait sur une série de principes inspirés du féminisme et des idées de mai 1968.

A ses débuts, le Collectif était très soucieux de rester un mouvement de revendication féminine, son action allait bien au-delà de la simple assistance sociale. C’était effectivement et avant tout en solidarité avec les femmes que ses membres agissaient, leur critère n’était pas le «bon travail social». La conception féministe leur faisait considérer que les femmes n’étaient pas des assistées mais bien les actrices de leur devenir. Pour les membres du Collectif, la femme maltraitée n’était qu’une femme qui subissait plus lourdement qu’une autre «l’oppression de la société patriarcale» et «la domination de l’homme, comme mari et père, institué par la société». Dès sa création, le Collectif pour Femmes Battues affirmait : «nous ne sommes pas une œuvre charitable, ni un service social». Cette valeur de la femme actrice de sa vie est demeurée essentielle. Bien qu’aujourd’hui, la vision du Centre soit bien loin des représentations féministes de la relation homme/femme, l’équipe garde pour principe d’éviter que les femmes hébergées ne deviennent des «assistées sociales». Ce principe a permis de ne pas marginaliser le phénomène de la violence conjugale tout en empêchant de le banaliser.

L’autogestion

Un autre principe adopté par le Collectif fut l’autogestion, inspirée par les idées de 1968 qui contestaient l’organisation hiérarchisée et impersonnelle du monde du travail. L’association définissait elle-même l’autogestion comme un «groupe non hiérarchisé de personnes aux objectifs et moyens communs, où chaque membre est responsable et reporte ses responsabilités devant le groupe et où le travail est réparti équitablement».

Les fondatrices du Collectif entendaient veiller à la non professionnalisation de l’activité afin de ne pas engendrer une hiérarchie des savoirs tout en partageant les compétences de toutes. Le travail avec les femmes hébergées prenait ainsi une tournure particulière par rapport aux services d’aide conventionnels. Non seulement les membres du Collectif travaillaient avec les femmes hébergées sans prétendre mieux connaître le problème que les victimes elles-mêmes mais le travail collectif permettait également d’empêcher une segmentation trop rigide en disciplines. Bref, la démarche du Collectif à ses débuts était exclusivement empirique et la pratique était vectrice de savoir tout autant que les théories féministes. Le travail de terrain sera à la base d’une approche nouvelle et réaliste de la problématique de la violence conjugale.

La professionnalisation

Au milieu des années 1980, l’association se professionnalisa et rationalisa de plus en plus sa méthode de travail grâce à des supervisions et de nombreuses formations en analyse systémique notamment. Cependant, le Centre de Prévention des Violences Conjugales et Familiales conservera les avantages de l’ancien système comme le partage des connaissance et l’absence d’une hiérarchie des savoirs : l’avis de chaque travailleur de l’équipe, quelque soit sa formation, est pris en considération.

L’institutionnalisation

Dès 1982, une demande de subsides est déposée au Ministère de la Santé Publique et de la Famille. La régionalisation des compétences ministérielles de 1983 retarda l’étude du dossier introduit. Le refuge fut reconnu comme maison d’accueil par le Ministère des Affaires Sociales de la Communauté Française en 1985.

Une approche nouvelle

Les théories féministes avaient articulé l’organisation du Collectif et fondé les représentations de la problématique de la violence conjugale. L’expérience de terrain et la confrontation avec le couple où règne la violence allaient transformer l’une et l’autre. L’originalité de la démarche du Collectif engendra une approche novatrice de la violence dans le couple. Envisager le problème de la femme battue sans les prérequis d’un regard professionnel nécessitait l’étude de terrain afin de dégager des solutions non définies a priori par un paradigme scientifique. Ces recherches ont permis une compréhension sans cesse grandissante du problème des couples et des familles où règne la violence.

Se rendant compte que l’expérience de terrain ne corroborait pas tout à fait leurs théories, les travailleuses du Collectif s’évertuèrent à recadrer leur optique en fonction des réels besoins des femmes…et des hommes.

L’expérience les amena à modifier leurs interventions auprès des victimes et à y associer un travail avec les auteurs de violence dès le début des années 1990 en créant une permanence pour les hommes auteurs de violences.

La diversification des services

Dès sa fondation, le Centre de Prévention des Violences Conjugales et Familiales s’est articulé autour de deux axes:

D’un côté l’aide aux victimes de violences conjugales et familiales basée sur les activités du Refuge et divers services de conseil juridique, social et psychologique; de l’autre une volonté de sensibiliser à la problématique de la violence conjugale les instances politiques, sociales, judiciaires, médicales et également le grand public y compris les étudiants.

Au cours du temps, le Centre de Prévention des Violences Conjugales et Familiales créa de nouvelles structures afin de mieux répondre aux besoins de chacun. Les collaborations avec la Maison Médicale Maelbeek, l’asbl Dana, l’asbl Habitat et Rénovation, l’asbl Garance, sont autant de relations qui contribuent à faire sortir la victime du cercle de la violence et à conquérir son autonomie. De nombreux ateliers et séminaires visent à reconstruire la confiance en soi de la personne ou l’informent quant aux moyens lui permettant de sortir de son vécu de violence.

Les interlocuteurs extérieurs

Quant à la conscientisation du problème de la violence dans le couple, son but reste d’informer les acteurs de première ligne afin de rendre plus efficace l’aide aux victimes et éviter l’enlisement du couple dans un cycle de violence. De même, il reste primordial de briser le silence et les stéréotypes qui jugulent encore les possibilités de réagir à temps à toute situation violente. Dans ce cadre, l’entrée, en 1986, de l’association dans l’AMA (Association des Maisons d’Accueil) et, en 1987, la création de la COVIF (Coordination des groupes francophones contre la violence faite aux femmes) ont permis au Centre de se situer comme interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et de devenir une référence importante dans le domaine de la violence conjugale.

Tant au niveau national qu’au niveau européen, le Centre de Prévention des Violences Conjugales et Familiales a participé activement aux campagnes de lutte contre la violence conjugale. A plusieurs reprises, il fut consulté, comme lors de la première conférence des ministres européens concernant les violences faites aux femmes, en 1991, lors de l’élaboration de la Loi Lizin en commission parlementaire, en 1997, ou encore, la même année, au sein de l’Observatoire européen de la violence envers les femmes, mis sur pied par le Lobby Européen des Femmes, où une responsable du Centre participa en tant qu’experte belge.

En 2002, l’association participa au Plan d’Action National contre les violences à l’égard des femmes. Elle demanda aussi à être consultée lors du projet de loi Onkelinx concernant l’expulsion du domicile de l’auteur de violence conjugale. Ses efforts constants pour renouveler ses approches et son questionnement à propos de la violence conjugale le poussent chaque jour à maintenir le dialogue avec ses partenaires